Pandémie de coronavirus oblige, la vie des EHPAD n’est plus tout à fait la même. Ces établissements qui accueillent des personnes âgées et fragiles ont déployé les armes face à un ennemi invisible. Exemples à Merdrignac et Eréac.
Résidence des Genêts à Merdrignac : « Nous courons un marathon »
Chloé Le Bars, directrice, adopte un ton prudent mais positif : « Nous ne sommes pas en pandémie, mais en confinement, comme cela peut parfois se produire après un épisode de gastro-entérite. C’est du préventif. » Dès début mars, les visites aux résidents des Genêts ont été restreintes. Depuis le 12 mars, l’EHPAD est fermé définitivement. « Le confinement total ne peut être appliqué qu’à partir de 2 cas. Nous n’y sommes pas. Aucun cas de coronavirus n’est enregistré à ce jour » poursuit la directrice même si elle reconnait que « les consignes sont contradictoires selon les intervenants. » Pas toujours facile de se repérer dans tous ces textes. Sans jamais perdre de vue qu’un « confinement total en chambre serait aussi une situation de glissement, donc à risque, pour les résidents. »
Chloé Le Bars poursuit : « En phase de préparation face à une éventuelle bataille, nous ne courons pas un sprint mais un marathon. » Hormis 4 absences pour raisons médicales mais non liées au virus, l’équipe reste constante pour veiller sur les 54 résidents. « Ils ne sont pas inquiets et comprennent bien les mesures de confinement. Pour les contacts, c’est désormais à distance et cela fonctionne bien. » Dans bon nombre d’EHPAD, sont désormais maîtrisées les applications Familéo et What’app ainsi que Skype qui permet de passer des appels téléphoniques ou vidéos via internet et le partage d’écran.
Enfin, face à une inquiétude certaine de communiquer le virus aux résidents, l’établissement a lancé un appel au don de masques. « Vendredi dernier, nous avons installé une boîte à masques à l’extérieur, devant le bâtiment. A ce jour (lundi 23 mars), nous en avons réceptionné une cinquantaine. Il y a une vraie solidarité. Un grand bravo à toutes ces petites mains ! »
Ce mardi 24 mars, l’EHPAD a bénéficié d’une dotation du CHCB en masques chirurgicaux. Cloé Le Bars remercie « très chaleureusement les personnes qui ont aidé et donné de leur temps pour confectionner les nombreux masques en tissu que nous avons reçus et que nous gardons en réserve en cas de besoin. Ainsi que l’ensemble des agents du CCAS qui restent jour après jour mobilisés pour accompagner les résidents, toute profession confondue. » Par ailleurs, le pôle culinaire continue de travailler pour nourrir les résidents mais aussi pour le portage de repas à domicile.

EHPAD Le Bourgneuf à Merdrignac: « Tout est prêt au cas où… »
Jacques Brajeul, directeur, accueille dans son établissement 70 résidents ainsi que 15 personnes de la communauté religieuse, sans compter l’accueil de jour qui était encore ouvert ce lundi pour les gens dans l’extrême besoin. « Mais cela change tous les jours, on ne sait pas de quoi sera fait demain » soulève-t-il. A l’EHPAD du Bourgneuf, les visites sont interdites aux familles et personnes extérieures depuis le 13 mars. Les seules entrées autorisées, sous contrôle, sont « uniquement pour des urgences médicales, la venue de l’ambulance pour les résidents dialysés ainsi que quelques rendez-vous médicaux hyper importants. Tout cela reste exceptionnel. »
Ici aussi, le lien est maintenu avec les familles via les nouvelles technologies et « le courrier arrive toujours. Nos anciens aiment recevoir du courrier. »
Le directeur explique que les résidents sont acteurs de leur confinement. « On leur explique souvent les gestes de prévention auxquels ils sont sensibles. Ils ont compris par exemple la réorganisation de la salle à manger afin de respecter la distance d’un mètre. Pour autant, c’est un vrai bouleversement dans la vie de l’établissement. »
Idem chez les salariés. Dotés d’un sens de la responsabilité, ils n’ont qu’un leit-motiv : ne pas transmettre le virus. C’est donc prise de température, port de masque et de gants obligatoire pour tout le monde. Une personne est chargée au quotidien de la désinfection de toutes les zones de contacts et un point est fait chaque jour avec l’équipe. « Nous avons tout prévu, tout est prêt si un cas devait survenir. Nous avons délimité une zone de confinement sécurisée avec du personnel dédié » confie Jacques Brajeul, prêt pour un éventuel combat aux côtés de son équipe, inquiète mais fidèle au poste.
EHPAD du Châtelier à Eréac: Les résidents sont confinés en chambre depuis le 9 mars
La voix de Virginie Debeix, directrice de l’EHPAD du Châtelier, est calme malgré l’inquiétude qui règne depuis plusieurs jours. « Les portes sont fermées au public depuis le 9 mars, les résidents n’ont plus aucune visite. Pour l’instant, globalement, nous allons bien, personne n’est encore malade… » confie-t-elle ce lundi après-midi au téléphone.
Afin de pallier à l’absence de leurs proches, jusqu’à ce 23 mars, les résidents bénéficiaient du système de correspondance via l’application Famileo. « 22 familles sur 60 sont inscrites, ce qui permet de maintenir le lien à minima. Nous avons aussi organisé via Skype, des rendez-vous téléphoniques en famille en utilisant les grands écrans de la télémédecine » explique la directrice.
Mais tout est désormais fini. En effet, depuis ce mercredi 24 mars, l’EHPAD se doit de confiner en chambres tous ses résidents, même ceux qui ont l’habitude de déambuler toute la journée. Plus d’activités, ni de repas en commun, mais continuer à les accompagner tout en les protégeant au maximum. Pas simple quand « on sait que le virus peut entrer dans l’EHPAD à cause de nous. Nous sommes toutes des mamans avec des enfants qui peuvent être porteurs sains. Nous avons aussi un conjoint qui peut aussi travailler et faisons nos courses comme tout le monde. Les porteurs de risques, c’est bien nous, et ce n’est franchement pas une situation confortable… »
Pour l’heure, toute l’équipe est à fidèle à son poste, ce qui représente une quarantaine de salariés pour 59 résidents. « Tout le monde tient malgré l’angoisse palpable, on se serre les coudes. » Les résidents pour l’heure ne posent pas plus de questions que cela ; « on les informe par voie orale et par voie d’affichage. » Ils n’aiment pas le masque car « ils ne nous reconnaissent plus et cela a un effet anxiogène chez eux. »
Ces fameux masques sont ici aussi un épineux problème. « Nous en avons bien sûr mais pas assez pour tenir le cap de la pandémie. En ce moment, nous ne les portons plus, nous les gardons dans l’attente du pic… » Une âme généreuse s’est-elle proposée d’en faire ? « Non, mais c’est vrai que je suis preneuse » en convient Virginie qui maintient chaque jour à bout de bras une équipe motivée dans sa tâche, mais fragile. Car une fois le travail terminé, les devoirs à la maison et les courses viennent sacrément rallonger des journées déjà éprouvantes. « Le volet psychologique sera forcément compliqué à gérer à l’issue ; la grande inconnue c’est de savoir comment cela va se traduire… »

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